A ce jour, la France compte 3000 tiers-lieux…Ce nom très à la mode dont la définition peut être floue pour nombre d’entre nous a désormais sa place dans le Petit Robert.
Et a également prouvé son efficacité sur l’attractivité locale.
La preuve par 4 exemples, commentés par Marie-Laure Cuvelier, entrepreneure au sein de de la coopérative SMART avec son activité de consultante “Madame Tiers-Lieux” et Conseillère régionale de Nouvelle Aquitaine, dédiée aux questions de démocratie participative.
Qu’est-ce qu’un tiers-lieu ?
“La définition du tiers-lieu peut sembler être un énorme fourre tout mais ce n’est pas grave car l’objet est tellement complexe et divers qu’il ne peut pas vraiment être modélisé et réduit à une définition simple, explique Marie-Laure Cuvelier, dont l’activité de conseil s’intitule “Madame Tiers-Lieux ».
Toutefois, l’usage est tellement répandu, qu’en 2022, le mot fait son entrée dans Le Petit Robert qui le définit comme un “Espace de sociabilité d’initiative citoyenne, où une communauté peut se rencontrer, se réunir, échanger et partager ressources, compétences et savoirs”.
Marie-Laure Cuvelier, conseillère régionale de Nouvelle Aquitaine, dédiée aux questions de démocratie participative, et consultante “Madame Tiers-Lieux”
Marie-Laure Cuvelier parle aussi de “lieux favorables à l’éclosion des idées, parce que c’est un espace où on crée des conditions optimales pour que les personnes qui le fréquentent puissent proposer et mettre en oeuvre leurs idées et leurs envies. La notion de libre contribution y est très importante !”
Tiers-lieux : quel bénéfice pour les collectivités ?
Pour l’élue régionale de Nouvelle Aquitaine, si les collectivités ne s’en chargent pas, les citoyens le feront. Cet aspect d’initiative citoyenne aurait d’ailleurs toute sa place dans la définition des tiers-lieux, car pour la majorité, ils en sont le fruit.“Pour les territoires vulnérables ou désertés, si la collectivité se saisit du projet de tiers-lieux, cela peut complètement changer la donne ! explique Marie-Laure Cuvelier.
“Un tiers-lieu peut vraiment faire des miracles, parfois même qu’on n’attendait pas et cela ne coûte pas forcément cher à la collectivité !”
Marie-Laure Cuvelier, consultante “Madame Tiers-Lieux” et conseillère régionale de Nouvelle Aquitaine, dédiée aux questions de démocratie participative.
Ce projet peut rendre un territoire attractif, maintenir les actifs déjà présents, les valoriser et en attirer d’autres : un tiers-lie peut vraiment faire des miracles, parfois même qu’on n’attendait pas et cela ne coûte pas forcément cher à la collectivité ! Parfois, il suffit de demander un peu d’aide au service communication, ou de mettre à disposition une salle de réunion pour initier le projet. Même si les collectivités ne sont pas initiatrices du projet, elles se doivent d’être facilitatrices.”
L’écueil ? Pour la spécialiste, ce serait de vouloir tout maîtriser “parce qu’intrinsèquement, un tiers-lieu est un projet citoyen. Il faut mettre le curseur au bon endroit sinon c’est voué à l’échec.”
Le rôle de la collectivité dans le projet de tiers-lieu
Autre écueil : “Les collectivités ont souvent une approche bâtimentaire en oubliant l’usage.” Si cette approche est centrale (pour créer un tiers-lieu, il faut un lieu, CQFD), l’experte recommande d’investir dans l’ingénierie pour analyser les besoins et comprendre les usages en amont de la création.
“Dans ce type de projet, la collectivité doit laisser de côté son rôle de gestionnaire de territoire pour se mettre au service et à l’écoute des citoyens.”
Marie-Laure Cuvelier, consultante “Madame Tiers-Lieux” et conseillère régionale de Nouvelle Aquitaine, dédiée aux questions de démocratie participative.
“Dans les petites et moyennes villes ou en ruralité, on finit toujours par trouver car il y a beaucoup de vacance immobilière. Le véritable enjeu est “comment cela fonctionne et peut-on créer de l’emploi avec lieu ?”
Dans ce type de projet, la collectivité doit laisser de côté son rôle de gestionnaire de territoire pour se mettre au service et à l’écoute des citoyens : sauver l’école, ouvrir une épicerie ou un café, réhabiliter des bâtiments pour que les gens s’installent… Surtout aujourd’hui, avec ce besoin massif des urbains de quitter la ville, favoriser la création de ce type de lieu créera les conditions favorables à cet exode.
Car oui, un tiers-lieu peut-être un élément central de la stratégie d’attractivité territoriale… à condition qu’il réponde aux besoins des habitants et les rendent fiers d’habiter leur territoire.”
4 exemples de tiers-lieux qui ont influé sur l’attractivité de leur territoire
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Associer un lieu et un service innovant dans le Cantal
Le tiers-lieu : La COcotte numérique à Murat.
L’originalité : “Avec des webinaires comme “entreprendre dans la musique en milieu rural” tout est dit ou presque… Au sein des locaux de la communauté de commune, La COcotte numérique dispose de deux espaces de coworking et d’un fab lab pour encourager la création et le maintien d’activités économiques en milieu rural, diffuser les valeurs de l’entrepreneuriat et de l’économie collaborative. Le lieu fédère à la fois des entreprises, des scolaires, des bricoleurs professionnels ou amateurs…”
Le plus pour le territoire : “En 2010, l’élu Bernard Delcros constate que beaucoup de femmes de sa commune, une fois devenues mères, ont du mal à trouver du travail. Il prend alors les choses en main et sollicite le média Teletravail.fr, pour l’aider à structurer une activité depuis le village. Le projet a tellement de succès auprès d’urbains qu’il organise chaque année le forum du télétravail à Murat.
La formation initialement destinée aux habitantes est devenue un élément central de l’attractivité du village et a attiré entre 30 et 40 familles sur dix ans.”
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Redonner vie à un commerce Creusois et le transformer en lieu de vie
Le tiers-lieu : L’Alzire à Jarnages est l’initiative de jeunes qui avaient envie de faire revivre leur village en reprenant un ancien hôtel-restaurant situé sur la nationale pour en faire un lieu qui fédère à la fois un coworking, des salles de réunion ou de concert. Du loto au karaoké, ils organisent aussi de nombreuses soirées aux thèmes intergénérationnels pour n’oublier personne.
L’originalité ? “C’est un très bel exemple de revitalisation grâce à un tiers-lieu en milieu rural : en s’appuyant sur l’existant, on peut faire revivre un village, analyse Marie-Laure Cuvelier. Et dans leur cas, l’hôtel-restaurant situé sur la nationale leur assure une clientèle de passage et une activité économique viable qui finance le reste.”
Le plus pour le territoire : “Ce que résout le tiers lieu, c’est cette équation entre écosystème existant mais inerte et les habitants. Lorsqu’un commerce est en difficulté, pourquoi la collectivité ne financerait-elle pas la mise à dispo d’un apprenti pour éviter la fermeture ? Il y a tout à gagner à cette forme d’ingénierie, d’intelligence collective pour aider les commerces.”
Alzire.fr/
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Redynamiser l’économie hivernale en zone touristique Landaise
Le tiers-lieu : Benico Bio dans le village de Mimizan, La SMALAH de st julien en Born.
L’originalité : “Benico Bio est un tiers-lieu nourricier. Fondé par deux cousins qui, après avoir beaucoup voyagé, reprennent l’exploitation familiale familiale. Passionnés par l’agriculture mais avec l’envie de rendre ce métier plus facile au quotidien, ils ont l’idée de partager les tâches avec des woofeurs hébergés sur leur parcelle. Objectif ? Les former aux techniques agricoles tout en leur offrant la possibilité de se nourrir de la production et de profiter des joies de l’océan. Ils possèdent leur boutique et ont noué des liens avec le Fab Lab de St-Julien en Born (la smalah) avec lequel ils travaillent à développer une alimentation 100% locale pour les habitants tout comme pour les touristes.”
Le plus pour le territoire : “C’est un projet très structurant pour le territoire étant donné sa forte saisonnalité, analyse l’élue. Le projet a complètement redonné vie au village puisqu’aujourd’hui, les commerces restent ouverts même pendant l’hiver ! Le projet a également soutenue une dynamique démographique en devenant un argument important pour les personnes qui viennent s’y installer.” La page Facebook de Benico Bio La-smalah.fr/
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Créer l’antenne rurale d’un lieu urbain en Normandie
Le tiers-lieu : Mutinerie Village à Saint-Victor-de-Buthon dans le Perche.
L’originalité : “Antoine van den Broek et ses trois cofondateurs font partie des pionniers du coworking lorsqu’ils lancent Mutinerie en 2011. Idem en 2014, lorsqu’ils ouvrent l’antenne rurale dans l’Eure-et-Loir. Dans leur corps de ferme situé au milieu d’un parc de 50 hectares, ils proposent des séjours de 3 mois de résidence pour 4 personnes afin de tester comment vivre et travailler au vert.
Le plus pour le territoire : Ce groupe d’anciens Parisiens est tellement investi dans la vie locale qu’il a même créé une sorte d’agence d’attractivité : L’Ambassade du Perche (Vivons pechés) en collaboration avec les équipes du PETR (Pôle d’équilibre territorial et rural) d’Eure-et-Loir.
Mutinerie Village et Ambassadeduperche.fr/
Ces 4 exemples illustrent parfaitement ce que dit le sociologue Jean Viard : “le tiers-lieux est la nouvelle maison du peuple” parce qu’il permet “l’hybridation entre culture, service public, éducation, alimentation : ce sont ces maillages nécessaires” pour décloisonner les communautés et les classes sociales d’une même ville.
Il peut rendre un territoire attractif auprès de populations extérieures mais aussi auprès des locaux.